La constitution d’une communauté protestante à Avricourt
Avant 1870, les protestants ne sont que très marginalement présents dans la région d’Avricourt. Il ne s’agit alors que de quelques familles réformées et anabaptistes, chassées de Suisse puis de France aux XVIe et XVIIe siècles, et dispersées dans les environs. Avec l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne en 1871, le village d’Avricourt est scindé en deux par la nouvelle frontière, qui suit la voie ferrée. Pour loger les douaniers et les employés de la future gare (construite en 1875), l’empire allemand bâtit ex-nihilo une cité ferroviaire, un peu à l’écart de la partie du village devenue allemande. Ils nomment cette nouvelle cité la “colonie de Deutsch-Avricourt”. Elle s’appelle aujourd’hui Nouvel-Avricourt.
Les employés allemands venus peupler la colonie viennent en majorité de Prusse et d’Allemagne du Nord. Ils sont donc de confession luthérienne. Leur arrivée fait doubler la population du village en seulement quatre ans. À partir de 1875, on charge le pasteur de Dieuze s’occuper aussi des protestants de cette diaspora. Il réunit les enfants pour le catéchisme une fois par mois et préside les cultes mensuels dans une salle mise à disposition par l’administration des chemins de fer.
En 1884, les protestants d’Avricourt forment désormais une communauté d’environ 300 personnes. L’architecte communal Leidig construit alors pour eux une école sur des terrains cédés par la direction impériale des chemins de fer. Le bâtiment doit accueillir des salles de classe, mais aussi des locaux affectés à la mairie, au culte protestant et au logement de l’instituteur.
La construction du temple d’Avricourt
Mais très vite, le local de l’école ne suffit plus. Dès 1885, l’architecte communal Leidig dresse un premier projet de construction d’un temple, juste à côté de l’école. Ce projet sera modifié par Joseph Ernst, architecte de l’arrondissement de Sarrebourg, auteur par la suite des temples de Sarrebourg (1899), d’Abreschviller (1901) et de Dieuze (1903-1904). Le projet d’Avricourt est financé grâce aux dons du Gustav-Adolf Verein (société d’entraide pour les protestants de la diaspora) et de l’empereur Guillaume II. En 1894, on crée un poste de pasteur auxiliaire à Avricourt.
La construction du temple d’Avricourt s’achève en 1897. Entouré d’un petit jardin clos et d’un grand parvis arboré, il est situé à l’extrémité de la rue qui porte son nom, constituant le fond de perspective depuis la gare. Construit en grès selon un plan rectangulaire à abside saillante, il est pourvu d’un clocher porche de trois niveaux d’élévation et couvert d’une flèche rhomboïdale, recevant sur ses quatre faces une horloge. Comme pour nombre d’édifices protestants de cette époque, tant en France que dans l’aire germanique, l’architecte et les commanditaires ont fait le choix d’une référence stylistique néo-gothique.
Le temple est inauguré en 1898. Pour l’occasion, l’empereur Guillaume II offre une Bible, aujourd’hui disparue. Le mobilier a été fabriqué dans des ateliers locaux ou impériaux. Il est complété par les dons des paroisses voisines ou de paroissiens. Un alsacien de Diemeringen (Bas-Rhin), par exemple, a offert un recueil des commentaires bibliques de Martin Luther, les Kirchenpostilla, dans une édition allemande imprimée à Wittemberg en 1557, ornée de gravures sur bois pourvues de quelques annotations anciennes de lecture. C’est l’un des plus anciens livres protestants retrouvés à ce jour en Lorraine. Enfin, le temple d’Avricourt reçoit aussi comme don de la communauté de Niederrossla, en Thuringe, une aiguière de communion en étain, comme en témoigne une inscription à sa base. Cette aiguière a été réalisée par Carl Wilhelm Kurtz, potier d’étain de Stuttgart, d’après un dessin préparatoire de Carl Beisbarth.
Le presbytère
En 1900, la communauté d’Avricourt est érigée en paroisse indépendante ; à la suite de quoi est construit le presbytère, entre 1904 et 1906. De style néo-gothique, le bâtiment est en pierre de taille, sur deux niveaux d’habitation, avec un garde-corps orné de quadrilobes ajourés. Le pasteur jouissait de deux étages d’habitation pour sa famille, d’un grand jardin potager et d’un petit bâtiment annexe. L’architecture est particulièrement soignée, ainsi que les deux portails d’entrée et la grille en fonte de fer entourant la propriété.
Le temple après la seconde guerre mondiale
Les vitraux du temple, gravement endommagés par la seconde guerre mondiale, sont remplacés en 1955. Ce sont les frères Ott, peintres-verriers de Strasbourg, qui signent les nouveaux vitraux. Le choix fait est celui d’un motif de losanges de couleurs ; sauf pour le vitrail du chœur, orné quant à lui d’une scène de crucifixion.
La communauté d’Avricourt redeviendra ensuite une annexe de la paroisse de Dieuze ; elle est aujourd’hui redevenue une paroisse indépendante, au sein du secteur paroissial de Moselle Sud.
Le temple d’Avricourt a été restauré en 2007 ; il peut ainsi constituer un bel ensemble avec les écoles primaires voisines du temple.
Sources : Inventaire de Lorraine / exposition « De Deutsch-Avricourt à Nouvel-Avricourt : histoire de la création d’une colonie » / exposition « Le Pays des Étangs autour de Réchicourt-le-Château »
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